STÉPHANIE DO

Présentation de mon rapport sur l’évaluation des coûts et bénéfices de l’immigration en matière économique et sociale


Le 24 octobre 2018, le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques nous ont désigné co-rapporteurs (Pierre Henri Dumont et Stéphanie Do) de la mission d’évaluation des coûts et bénéfices de l’immigration en matière économique et sociale.

Nous avons présenté notre rapport aujourd’hui aux membres du Comité. Il fait suite au rapport de France Stratégie sur l’impact de l’immigration sur le marché du travail, les finances publiques et la croissance présenté le 10 juillet 2019 dont nous avons déterminé le périmètre de travail. Notre rapport présenté aujourd’hui est le fruit d’un important travail qui s’est appuyé sur un cycle d’auditions de 30 experts et responsables d’administrations. Nous sommes fiers du travail accompli depuis 2018 et avons eu à cœur dans ce rapport de dépasser le stade du diagnostic et de l’étude pour prendre position sur certaines politiques publiques, et aboutir à 22 propositions.

Dans un premier temps, le rapport porte sur les données et les caractéristiques de la population immigrée en France :

La population immigrée s’élève à 6,4 millions de personnes, soit 9,7 % de la population totale. Notre pays se situe dans une position légèrement inférieure à la moyenne de l’OCDE. Cependant notre contexte est particulier avec une forte présence de la seconde génération, une origine géographique des immigrés peu diversifiée et une forte concentration territoriale dans quelques régions. La population immigrée en France est traditionnellement peu qualifiée, contrairement à la situation dans des pays d’immigration comparables. L’origine en est la dominante familiale et humanitaire de l’immigration, bien plus qu’économique ou de travail.

Par ailleurs, nous avons fait le constat que de nombreuses données existent en matière d’immigration depuis 2000 notamment sur les descendants d’immigrés (l’enquête Trajectoire et origines : TeO). Pour apaiser la méfiance des citoyens par rapport aux chiffres de l’immigration, il est nécessaire d’améliorer la communication sur ces chiffres existants pour élever le débat public. Concernant les flux migratoires, qu’il s’agisse des entrées, des sorties, ou des immigrés en situation irrégulière, ils sont difficiles à saisir. Tous les pays de l’OCDE sont confrontés à une évaluation approximative de l’immigration irrégulière, qui oscille entre 0,3 et 0,6 % de la population. En France l’approche administrative repose sur les chiffres de l’aide médicale de l’État qui compte 318 106 bénéficiaires en 2018, avec une forte croissance entre 2012 (252 000 bénéficiaires) et 2015 et un palier depuis.

Dans un second temps, le rapport chiffre l’impact de l’immigration en France :

Pour ce qui est de l’impact de l’immigration sur l’emploi : l’immigration n’a pas d’incidence significative globale de long terme sur le marché du travail en France : c’est la conclusion de nombreux travaux. L’explication réside dans les caractéristiques du marché du travail français : l’existence d’un salaire minimum assez élevé et l’effet d’ajustement limitent les effets sur les salaires. Cependant, les effets à court terme sont moins faciles à appréhender car les études portant sur la France sont très rares. Nous concluons comme France Stratégie que nous avons besoin d’études périodiques sur les effets de substitution et de complémentarité entre immigrés et non immigrés, l’existence ou non de synergies, pour mieux piloter l’immigration de travail. En effet, notre situation avec une démographie assez dynamique et un chômage de masse constitue un contexte différent de celui des autres pays d’immigration. Cela mérite donc une étude précise et des solutions adaptées.

En ce qui concerne l’impact de l’immigration sur la croissance et la compétitivité : les rares études disponibles confirment que c’est par l’augmentation de la productivité globale des facteurs que l’immigration accroit à long terme le PIB par habitant, notamment grâce à la complémentarité des compétences entre natifs et immigrés, et la diversité des origines. Toutefois la faible qualification et le faible taux d’emploi des immigrés en France minorent cet impact par rapport à des pays qui valorisent mieux une immigration plus qualifiée.

Pour l’impact sur les finances publiques : les deux seules études disponibles de l’OCDE et du CEPII concluent à un impact modéré, parfois positif et parfois négatif, mais toujours inférieur à 0,5 % du PIB, de l’immigration sur les finances publiques pour la période étudiée de 1979 à 2011. Ces études mériteraient d’être renouvelées, ne serait-ce que pour prendre en compte des dépenses récemment tendanciellement en hausse comme l’accueil des demandeurs d’asile ou l’hébergement d’urgence.
S’agissant du seul budget de l’Etat, nous avons demandé à la direction du budget de prêter une attention plus soutenue sur le document de politique transversale censé recenser les dépenses de la politique d’immigration et d’intégration. Nous avons également souhaité la mise en oeuvre d’un recensement des dépenses assumées par les collectivités territoriales au titre de l’accompagnement social de l’immigration car ce document n’existe pas actuellement.

Dans un troisième temps, le rapport se concentre sur nos 22 propositions pour mieux connaître la population immigrée présente en France ; pour réformer la procédure d’autorisation de recrutement des travailleurs étrangers et attirer davantage les travailleurs qualifiés ; et pour améliorer l’efficacité des composantes du parcours d’insertion et de la reconnaissance des qualifications pour une meilleure employabilité des immigrés

Instituer un véritable pilotage de l’immigration professionnelle :

Nous disposons d’un outil pour identifier les besoins de main-d’œuvre : la liste des métiers en tension. Celle-ci a été publiée en 2008 pour faciliter l’obtention d’autorisations de travail pour des métiers connaissant des difficultés de recrutement. Mais ce document n’a pas été actualisé et s’avère obsolète aujourd’hui. Nos auditions ont confirmé que de nombreuses entreprises peinent à recruter, et ce pour plusieurs raisons : manque de compétences et enjeu de la formation professionnelle, insuffisante mobilité géographique, défaut d’attractivité des conditions de travail et des salaires. L’artisanat est particulièrement touché. Il est nécessaire de réformer profondément la procédure encadrant l’immigration de travail.
Attirer les travailleurs qualifiés est devenu un objectif de la plupart des pays de l’OCDE. Dans cette compétition internationale pour attirer les talents étrangers, la France peine à attirer les entrepreneurs et les salariés hautement qualifiés. En revanche, elle se situe en bonne position pour attirer les étudiants et les chercheurs étrangers (40 % de nos doctorants sont étrangers). Pour favoriser tout particulièrement le maintien au séjour et l’accès à l’emploi en France à l’issue des études, alimentant une immigration professionnelle qualifiée, nous préconisons de simplifier les procédures et de renforcer l’information et l’orientation dans les établissements. Le « passeport talent » introduit par la loi du 7 mars 2016, nous avons constaté un nombre de délivrances en légère hausse (6 894 premiers « passeports talents » délivrés en 2017, 8 340 selon les chiffres provisoires en 2018). Toutefois, le dispositif n’a pas introduit de transformations décisives dans l’ampleur des flux et le type de bénéficiaires (plus de la moitié sont des titres « scientifiques »). Notre communication auprès des employeurs et des pays d’origine est donc insuffisante.

Améliorer l’insertion professionnelle des immigrés :

Les immigrés sont moins souvent employés, plus exposés au chômage et plus souvent déclassés par rapport à leurs qualifications. Nous avons proposé d’activer des leviers clés : promouvoir l’activité professionnelle des femmes immigrées et leur accès à des cours de langue ; combler le retard français en matière de reconnaissance et d’évaluation des qualifications et compétences ; poursuivre les efforts engagés dans le cadre du contrat d’intégration républicaine et valoriser les dispositifs vers l’emploi au-delà du contrat d’intégration républicaine.


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